Le souvenir le plus marquant de mes vacances en Corse ? Le voici…
Nous étions restés bloqués deux jours sur la plage de Gradelle, dans le golfe de Porto, à cause d’un coup de vent. Jeudi 28 juin, le vent et la houle étaient un peu retombés. Nous avons donc repris les kayaks pour rejoindre Porto, sur une mer quand même assez sérieuse (de mon point de vue).
Avant le départ, Nicolas (le cap’tain) nous avait brieffés et prévenus que ça allait être sportif, surtout l’entrée dans la marina de Porto… Et il avait conclu en plaisantant : « bonne chance à tous ! »
Après deux heures de pagayage dans une houle de 1 mètre arrivant par l’arrière, perso j’étais un peu malade – oui, on peut être malade en kayak de mer, Julie nous en a fait la démonstration quasiment tous les jours… – Lorsque nous sommes arrivés en vue de l’entrée de la marina de Porto, la nausée fut remplacée par un petit noeud à l’estomac…
Le décor
Un passage d’environ 10-20 mètres de large, qui reçoit la houle de pleine face. A gauche, une tour génoise posée sur de gros rochers. A droite, une digue posée elle aussi sur de gros rochers. Des trains de vagues de 1m à 1,50m s’engouffrent à intervalles régulier dans l’étroiture, ajoutant les touches sonores et colorées qui manquaient au tableau. Impossible de débarquer sur la plage à cause d’un shore-break (les vagues ne rencontrent aucune résistance dans la baie et se cassent de toute leur force sur la rive. Drapeau rouge ce jour-là).
L’action
Nous nous sommes regroupés derrière Nicolas, qui nous envoie un par un entre deux trains de vagues. Quatre kayaks sont déjà passés. Un maître nageur sauveteur a délaissé la plage pour se tenir prêt sur la digue, devant quelques touristes qui nous observent et prennent des photos.
C’est mon tour.
– Vas-y
… Non attends, y’en a une grosse !
Marche arrière.
– Ok, vas-y
Je me lance. C’est très impressionnant. La houle explose contre les rochers des deux côtés, avec force vacarme et écume bouillonnante. Elle voudrait m’intimider qu’elle ne s’y prendrait pas autrement…
Je pagaye de toutes mes forces en serrant les fesses. Dans 30 secondes je serai au calme dans la marina… C’était sans compter le train de vagues qui me rattrape. La première passe, me soulevant d’arrière en avant, puis d’avant en arrière. Le kayak est balloté dans tous les sens, mais je garde la direction.
La deuxième vague est plus forte. Elle me pousse dangereusement vers la tour. Je ne maitrise plus grand chose. Mon kayak se met en travers et part au surf en direction des rochers !
[…]
La seconde d’après, je me retrouve dans l’eau, mon kayak chaviré dans une main, ma pagaie dans l’autre. Loin devant moi, les eaux paisibles de la marina, d’où me regardent les collègues qui sont déjà passés. Autour de moi, c’est le chaos. Coups de tonnerre et explosions d’écume. Je suis dans la mousse, à quelques mètres du pied de la tour. Les rochers sont énormes. Les vagues me font monter et descendre comme un bouchon. Je me retourne. Elles paraissent encore plus grosses quand on est dans l’eau. Je ne vois même plus Nicolas et le reste du groupe.
Certains m’ont demandé à quoi j’ai pensé à ce moment là. Je me souviens seulement de m’être dis P****n, dans quelle merde tu t’es mis !
J’ai essayé de palmer pour ne pas me faire aspirer vers les rochers et atteindre la marina. Mais engoncé dans mon gilet de sauvetage, avec un kayak plein d’eau à tracter… je ne m’appelle pas Jacques Mayol.
Heureusement, le mauvais rêve n’a pas trop duré. Dans la minute qui a suivit, je m’agrippais au kayak de Nicolas, qui a pagayé comme un forcené pour me tirer moi et mon kayak vers des eaux plus calmes.
Puis il a repassé la barre de vagues dans l’autre sens pour aller chercher les autres, qui sont passés sans encombre.
Au final, grosse frayeur, mais rien de cassé. Une petite pensée pour mes sandales, mon masque et mon tuba, qui n’ont pas survécu au naufrage. Ils gîsent quelque part au fond de la marina de Porto…
Enfin, on aura au moins fait l’animation. Le maître nageur présent sur la digue s’est étonné auprès d’Hervé : mais il y a des femmes avec vous !?!
Et dans l’après-midi, Isabelle s’est entendu demander si elle faisait partie du groupe qui était entré dans le port en kayak le matin.
Difficile pour moi de m’endormir le soir venu : le bruit de la houle, qui n’avait toujours pas faiblit, contre les rochers me faisait revivre la scène en boucle. Mon iPod n’a pas trop supporté non plus, apparemment : j’y ai déchargé ma première carte pleine de photos, mais il a perdu celles de notre débarquement dans le port (rrhhaaaaaa !).
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PS: remarquez, on aurait pu se faire d’autres frayeurs…
C’est bon ça !!!
joli, ce texte! heureusement que je connaissais une partie de l’histoire, (il me manquait juste quelques détails sur les "pertes" dûes au "naufrage"), sinon, j’aurais eu très peur.
Texte découvert par hasard (par hasard je sais pas, le titre est accrocheur), magnifique, j’ai retenu mon souffle tout au long de ma lecture !!!
J’aime bien vos article. Merci